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Merry et la princesse désabusée

Daté du 17 novembre 2009
Traduit par Tan

Je dis que je ne crois pas au contes de fées et pourtant j'ai écrit 8 livres sur une princesse féérique : Merry gentry et sa quête du grand amour, d'un père pour ses enfants et d'un roi pour s'assoir à côté d'elle un fois reine. Ce que je n'ai pas réalisé pendant de nombreuses années c'est que l'idée même des Merry m'est venue justement par ce que je ne croyais pas au "et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". J'ai dit haut et fort que je n'ai jamais cru au fantasme du prince charmant, l'homme idéal venant au secours de la belle damoiselle et rendant sa vie parfaite. Je n'ai jamais cru à la partie rescousse et vie parfaite, mais rétrospectivement je me dois d'être honnête. J'ai cru à une partie du fantasme. J'ai cru que je trouverais le grand amour et que je passerais toute ma vie avec lui et qu'on se roulerait dans notre amour pour le reste de nos jours. J'ai cru au "et ils vécurent heureux..." et au grand amour. J'ai cru qu'il y avait une âme-sœur qui m'attendait quelque part et qu'une fois trouvée, tout irait bien.

Mon âme-sœur, l'amour de ma vie, et moi nous sommes mariés alors que nous étions toujours à l'université. Je n'avais jamais été amoureuse avant. Je n'avais jamais fait l'amour avant. Il était mon premier sur bien des plans. Pour être parfaitement claire, je suis restée vierge jusqu'à 21 ans. Je croyais sincèrement dans cet idéal, que j'attendrais et que l'homme que j'aimerais attendrait et que nous ferions l'amour et que ça serait encore mieux parce que nous avions attendu. Oh oui, si j'avais su attendre et était toujours vierge c'est parce que j'avais décidé de me réserver pour l'homme qui aurait fait de même. Si j'avais tant de contrôle, pourquoi s'engager avec un homme qui en aurait eu moins ? C'était mes idées à l'époque.

Inconvénient de tout cet aspect robe blanche immaculée / premier amour, c'est que vous vous retrouvez avec 2 vierges avec peu ou pas d'expérience lors de la nuit de noce. Je me souviens avoir pensé : c'est marrant mais ça s'améliorera. ça n'a pas été le cas. Ce que personne ne vous dit quand vous attendez M. Parfait c'est que ça n'est pas parce que vous vous aimez que vous êtes compatibles sexuellement. Le sexe a autant de significations différentes qu'il y a de gens différents et on s'est marié sans en avoir la moindre idée. ça n'était pas homogène parce que j'avais fait des recherches, lu, écouté des amis s'épancher au fil des années. Nous savions comment ça devait s'emboiter, mais toutes les discussions ont échoué à nous expliquer non pas l'"emboitage" mais le comment faire. Je l'aimais vraiment et je crois que lui aussi m'aimait sincèrement mais on a découvert que aimer avait une signification différente pour chacun de nous, tout comme le sexe. Ma conception du couple n'était pas la sienne et vice versa. Aucun de nous n'avait eu une relation sérieuse avant donc nous n'avions aucune expérience en tant que couple. On s'entendait sur la politique, la religion, l'éducation des enfants, on jouait tous les deux à Donjons et Dragons, lisions de la science-fiction et de la fantasy. Nous étions tous les deux des bosseurs et déterminés. C'est ce que nous avions en commun.

On a décroché notre diplôme et on a pris notre envol dans le monde. On a déménagé d'une ville de 30 000 âmes à Los Angeles ensemble. "Oh Dorothy, j'ai l'impression que nous ne sommes plus du tout au Kansas". Les problèmes qui ont finalement eu raison de notre mariage étaient là dès la première année, mais nous nous aimions et l'amour n'a peut-être pas raison de tous les obstacles mais il peut très certainement détourner votre attention.

Le premier signe que nous allions droit dans le mur outre la continuelle inadéquation sexuelle a été quand il est revenu du boulot en annonçant qu'un de ses collègues lui avait dit que l'homme est le chef de famille et que les femmes ne leur sont pas égales aux yeux de Dieu. Il m'a cité les écritures. Nous étions tous les deux de bons petits Episcopaliens à ce moment je précise. Il a fait cette déclaration exécrable et quelque part il s'est dit que ça lui donnerait le droit d'être toujours celui qui a raison lors de nos discussions sur la Bible et l'église, et je réalise maintenant qu'il essayait aussi de justifier une certaine forme d'autorité sur moi, dans ce mariage. Je lui ai répondu : "si c'est vraiment ce que dit la Bible, et vraiment ce que Dieu veut dire, qu'être une femme n'est pas équivalent à être un homme alors je ne peux plus être chrétienne". Pas vraiment la réponse qu'il attendait. Je ne l'ai jamais vu faire marche arrière avec autant de force de toute notre première année de mariage. Il a grosso-modo dit que son ami pouvait avoir tord et que les versets de la Bible étaient ouverts à interprétation. Ils l'étaient ! Et son ami avait tord !

Je suis aujourd'hui une heureuse petite Wiccan et c'est le cas depuis 10 ans.

Sur la religion, on s'est mis d'accord pour arrêter d'être d'accord. Puis je me suis retrouvée à mi-chemin entre les conservateurs et les libéraux et il est resté conservateur. Donc sur la religion et la politique, nous n'étions plus d'accord. On a arrêté de jouer avec des personnes en chair et en os et il s'est immergé dans le cyberespace et jouait en ligne, chose que je ne comprenais pas et que je ne cherchais pas à comprendre. Soudainement nous n'avions plus de hobbies en commun. Je lisais plus d'horreur et de dark fantasy que lui. Il n'aimait pas les choses effrayantes. Il est passé du stade de premier lecteur et supporter à celui où il refusait de lire quoique ce soit que j'aurais pu écrire et pensait que c'était mal. Il ne voulait plus que j'écrive sur les vampires ou les monstres ou la violence ou le sexe ou les tueurs en série. Tout ce qui fascinait ma muse le contrariait. Je ne pouvais plus partager mes écrits avec lui, plus du tout, et c'est une grand part de ce que je suis. Il était un ingénieur informaticien et je ne comprenais pas non plus son boulot.

J'avais découvert la musique, et non nous n'avions rien en commun dans ce domaine là non plus. On a eu une fille ensemble et elle est toujours merveilleuse mais le mariage se cassait la gueule à toute vitesse. Je me sentais misérable et il refusait de voir que j'avais changé jusqu'à ce que je fasse en sorte qu'il ne puisse plus l'ignorer. On aimait toujours les comédies musicales mais il ne voulait plus regarder de films avec moi qui puissent faire peur ou mal se terminer. J'étais mariée et j'allais au cinéma toute seule. Je suis allée à tellement d'évènements toute seule avec ma fille que les gens pensaient que j'étais divorcée bien avant que ça ne soit vraiment le cas, parce qu'il ne voulait pas venir avec nous. Il avait une douzaine de hobbies mais aucun ne m'intéressaient. Nous étions comme des colocataires qui faisaient l'amour de temps en temps et partageaient un enfant. Si ça lui suffisait, pour moi ça n'était pas le cas.

De ce désespoir est née l'idée d'une nouvelle série paranormale. La série Merry Gentry a été créée pour m'aider à tromper mon mari avec d'autres hommes sans avoir à le quitter. C'était tromper sans tromper. Le contenu sexuel était délibéré. Bien-sûr, ça n'était pas suffisant. A la fin, mon malheur ne pouvait plus être soigné par mon travail sur une série où le personnage principal est à la recherche du grand amour et de bons coups alors que je n'étais plus amoureuse et n'étais plus heureuse par ailleurs non plus. Quand j'ai écrit Kiss of Shadows, le premier Merry, je pensais que j'avais tenu le coup dans mon premier mariage. Au moment où je me suis mise à écrire le second, A Caress of Twilight, nous vivions séparés et je sortais à nouveau avec quelqu'un pour la première fois depuis 10 ans. C'était son idée de sortir avec d'autres personnes, le déménagement était la mienne. J'étais déconcertée par ses encouragements mais je pense qu'il croyait que je réaliserai qu'il faisait froid dehors et que je reviendrai à la maison. Ce n'est pas ce que j'ai trouvé. J'ai découvert que j'aimais avoir mon propre appartement et choisir mes meubles sans avoir à demander l'avis de personne. J'ai eu plus de succès avec les hommes qu'il ne pensait que j'en aurais. C'est cet homme qui m'a dit que j'étais mignonne mais pas magnifique.

Il se trouve que j'ai fini par sortir avec quelqu'un qui était mon ami depuis 8 ans, bien avant qu'il nous vienne même à l'idée de sortir ensemble. Jonathon et moi sommes mariés depuis maintenant 8 ans et ensemble depuis 9. J'ai insisté pour que nous vivions ensemble au moins 6 mois avant de songer à la suite. Je ne voulais plus me remarier, jamais. Mais quand j'ai réalisé que je tombais à nouveau amoureuse, je me suis vraiment assurée que ça tiendrait la route.On a vécu ensemble, on était la première chose qu'on voyait au réveil, la dernière au coucher, malades, tristes, souls, etc. ça a été une année passionnante. Et oui, nous faisions l'amour. Je ne voulais pas refaire les mêmes erreurs. Cette fois je savais à quoi m'attendre dans tout ce qui fait un couple.

J'ai aussi découvert qu'avoir été mariée à mon premier mari ne m'avait pas préparé à être mariée à Jonathon, tout comme ses relations passées ne l'avaient pas préparé à moi. Le mariage est constitué de deux individus uniques et dans notre cas des individus particulièrement uniques (ndm : la vo peut aussi laisser sous-entendre que le mariage inclus les muses de Laurell, je n'ai pas réussi à me décider sur le sens) mais ça marche pour nous. Les choses que son ex-fiancée et mon ex-mari nous reprochaient sont des plus pour nous. Marrant comme un problème pour une couple peut devenir une force quand on change l'un des éléments de ce couple.

Écrire Merry était une épreuve parce que chaque livre me renvoyait aux douloureuses dernières années de ce premier mariage. Les 7 premiers livres sont empreints de cette douleur. Seulement maintenant, avec le 8ème livre, je suis enfin libre de vivre dans son monde plutôt que de continuer à chercher le prince charmant. Après tout, Merry est un conte où une princesse cherche le grand amour et son "et ils vécurent heureux..." Spoiler alert donc attention : je pense que l'une des raisons pour laquelle Merry n'a pas pu choisir juste un prince est que selon moi l'idée même qu'un seul être puisse combler toutes nos attentes et rendre notre vie parfaite juste parce qu'on l'aime est coller une sacrée pression à une seule personne. On se marie avec cet espoir et quand cet euphorie amoureuse s'atténue, on pense qu'on a fait une erreur. Mon premier mari disait que l'amour comme ça ne pouvait pas durer. Ce fut pourtant le cas pendant 10 ans sans encouragement. Cette fois, avec des encouragements, ça s'annonce encore mieux. Mais ça n'est pas sans effort, j'ai appris qu'être un couple ça se travaille, qu'être heureux se travaille et que vous devez affronter vos problèmes pour éviter qu'ils ne vous séparent. Cette fois je suis mariée avec quelqu'un qui comprend tout ça et on travaille de concert.

J'ai aimé écrire Divine Misdemeanors, plus que quasiment tous les autres Merry parce que cette fois je pouvais jouer dans son univers. Cette fois il n'était pas question de ramasser les débris de mon propre conte de fée avorté. Cette fois, je pouvais laisser Merry être elle-même et les hommes qu'elle aime être eux-mêmes. Le livre est assez sombre par moment, avec un tueur en série en liberté, et Merry et ses hommes sur la sellettes mais c'est aussi un livre avec beaucoup de joie. J'ai réalisé avec ce livre qu'un jour j'ai cru que mon beau prince viendrait et quand cette illusion s'est brisée, ça m'a brisé le cœur et j'en ai jeté les morceaux sur le papier pour écrire un livre là-dessus. Je suis une princesse désabusée et le serait toujours mais je suis une princesse plus sage aussi. Je sais que le prince charmant ne vient pas pour me sauver mais qu'on se protège l'un l'autre et qu'on se bat dos à dos contre tous les adversaires que le mariage représente pour moi. Jamais passive, jamais de départ sur la blanche monture du prince, donner moi donc un cheval et nous chevaucherons vers le couchant côte à côte.