Pénélope, Reine d'Ithaque - Tome 1 "Le chant des déesses" de Claire North

Editions Hauteville

Au-delà des rivages d'Ithaque, les caprices des dieux dictent les guerres des hommes. Mais sur l'île, ce sont les choix des femmes abandonnées - et de leurs déesses - qui changeront le cours du monde. Le roi Ulysse est parti depuis de nombreuses années en guerre contre Troie, emmenant tous les hommes en âge de combattre de l'île d'Ithaque. Pénélope, sa femme, l'attend avec patience et dirige le royaume. Mais lorsque des rumeurs circulent sur la mort de son mari, les prétendants commencent à frapper à sa porte. Or, aucun homme n'est assez puissant pour revendiquer le trône vide d'Ulysse. Si Pénélope choisit l'un d'entre eux, Ithaque plongera dans une guerre civile sanglante. Seule la ruse et son réseau d'espionnes lui permettront de maintenir l'équilibre délicat du pouvoir nécessaire à la survie du royaume. À Ithaque, tout le monde surveille tout le monde et il n'y a pas un coin du palais où l'intrigue ne règne pas en maître. Le plus grand pouvoir des femmes est celui dont elles s'emparent en secret.

Avis de Poison :

2023 sera décidément sous le signe de la mythologie grecque par chez moi ! Après la version féminine de la guerre de Troie par Pat Baker (avis à venir d’ailleurs, abonnez vous ) voici donc le récit de la vie de Pénélope à Ithaque pendant qu’Ulysse est retenu loin de chez lui.

On retrouve vraiment l’idée du récit lent, rempli d’une foule de personnage plus ou moins importants (prince, reine, esclave, …). Toutefois, l’autrice choisi d’introduire comme narrateur omniscient la déesse Héra. Traditionnellement ce n’est pas une déesse qui attire car elle est présenté sous un jour relativement négatif (jalousie, colère plus ou moins aveugle, vengeance, etc.). Toutefois, elle prend ici un caractère plus complexe et on en vient à réellement l’apprécier. Elle retrouve son statut de déesse majeure (n’oublions pas qu’elle est fille de Titan elle aussi). Déesse des femmes et des reines, elle va suivre l’histoire de Pénélope qui tient ses prétendants à distance sans rien leur céder.

Toutefois, les personnages prennent parfois les reines du récit et on se retrouve alors du point de vue de Pénélope, dans la tête de Télémaque, ou d’autres encore.

Il faut le dire, c’est plutôt déstabilisant de changer de mode de narration aussi souvent. Cela apporte quelque chose car on en apprend plus sur le caractère des personnages, toutefois l’idée de tout suivre depuis le point de vue d’Héra me convenait très bien.

Héra qui a une version de l’histoire intéressante : elle rappelle que ce sont les poètes qui racontent l’histoire, et pas vraiment ceux qui les ont vécus. Que les héros sont chantés, mais que tout le monde oubliera ceux qui étaient avec eux, ou les longues attentes. On a donc une version un peu différente des événements.

Pénélope est l’épouse de l’homme aux mille ruses, et semble être bien rusée elle-même. Elle dissimule ses actions sous couvert d’être une femme. Elle tisse des liens commerciaux, enquête, imagine des stratagèmes pour son pays, dans le dos des hommes qui croient bien faire en prenant en charge les affaires du pays. C’est elle qui a l’idée d’une milice de femmes pour défendre l’île des mercenaires qui l’attaque les nuits de pleine lune.

Toutefois, l’autrice n’aura pas réussi à me la rendre vraiment attachante. Je ne sais pas si c’est parce que Pénélope ne dirige pas son récit, qu’Héra est trop dominante, ou autre chose, mais elle semble bien trop en retrait et passive. C’est dommage parce qu’à côté, elle fait tout pour nous faire comprendre que son personnage est une reine qui n’hésite pas à agir pour protéger son peuple et son pays.

Il y a énormément de personnages et je n’ai pas eu l’impression que Claire North donnait vraiment l’opportunité à la Reine, et ses suivantes de confiance, de prendre véritablement la place qu’on voulait leur donner. Certes c’est un récit majoritairement féminin, mais loin de l’être entièrement. Trop souvent nous avons les avis et les épanchements des hommes, des prétendants, de Télémaque, des conseillers, etc. Par-dessus le marché, ils prennent la parole de manière un peu trop fleuri, tournent autour du pot, ce qui rend leurs passages bien confus. J’attendais je crois une reine bien plus affirmée et qui n’hésitait pas à s’imposer tout en maintenant les prétendants à distance par sa ruse et son intelligence politique.

On va avoir un petit aperçu d’Artémis et d’Athéna et laissez moi vous dire que vous n’allez pas du tout les apprécier dans cet ouvrage ! Pour être honnête, Athéna en devient même carrément antipathique. J’ai vraiment apprécié le ton mordant d’Héra quand il s’agit de décrire les personnes et de sonder leur caractère. Un style un peu trop moderne parfois, mais ce style si particulier m’a plu. En revanche je comprends la critique que j’ai lu qu’elle ne rendait pas assez justice à Pénélope qui semble pourtant parfaitement correspondre à ce que défend la déesse. Certes elle a épousé un homme, mais elle n hésite pas à agir, à défendre son foyer et sa famille, sans se reposer sur les hommes. La cousine de Pénélope se moque d’elle sans interruption (ce qui m’a fortement agacée) mais j’ai eu la sensation que dans l’ensemble du récit on ne dresse pas tellement un portrait plus flatteur d’elle qui semble pourtant être la vertu féminine d’Héra portée à son paroxysme.

Au final on a un point de vue très intéressant, un angle de l’histoire original et une narratrice principale mordante et qui sort des sentiers battus. Toutefois, c’est un récit plutôt lent qui qui peut rebuter certains lecteurs. A conseiller plutôt aux grands amateurs de mythologie qui ne cherchent pas de l’aventure et des rebondissements à chaque tournant.

Globalement un bon moment de lecture.

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