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Interview Laurell K. Hamilton / Charlaine Harris

Traduction de l'interview d'Amazon par Némésis
Avril 2012

 

Imaginiez-vous que vos séries allaient durer aussi longtemps ?

Charlaine Harris : J’étais juste contente de vendre le premier tome. Cela a pris deux ans à mon agent pour de trouver preneur. Je ne pensais pas que Sookie deviendrait si populaire, ni que je trouverais autant de choses à raconter sur elle et son monde.

Laurell K Hamilton : Non, j’ai eu plus de deux cents rejets pour le premier Anita Blake. C’étaient de belles lettres de rejet où les éditeurs me conseillaient d’autres maisons d’éditions car eux ne savaient pas comment le vendre. Quand j’ai enfin eu un contrat pour les trois premiers tomes, je me souviens m’être dit : « Au moins, je peux en écrire trois. ». J’avais de quoi faire pour au moins 10 livres sur Anita et son univers mais je ne pense pas que quiconque puisse prévoir à l’avance d’en écrire 21 et continuer à être excitée à l’idée de commencer le 22.

Imaginiez-vous que le paranormal puisse être aussi sexy ?

LHK : Je me souviens que l’on m’a dit qu'il n'y avait pas de marché pour le mélange des genres, avant que le terme « paranormal » ne devienne un genre On m’a aussi dit que personne ne lisait de livres sur les vampires. Plus d’un éditeur m’a dit que ce monstre était has-been. J’étais sûre qu’il restait encore du potentiel dans les vieilles légendes mais je n’imaginais pas que cela serait aussi populaire.

CH : Oui, même mon agent ne pensait pas que Quand le danger rôde se vendrait bien, peut-être parce qu’en plus il contient beaucoup d’humour. Les vampires, c’était du passé (ndt : en français dans le texte) et les livres qui mélangeaient les genres (sauf les tiens, tu avais sorti 3 ou 4 livres quand j’ai écrit le premier Sookie et j’étais tellement contente de les découvrir) étaient réputés invendables. Je n'aurais jamais imaginé des rayonnages et des rayonnages remplis de livres de ce style.

Est-ce que la réaction de vos fans joue un rôle dans votre écriture ?

CH : Non, pas dans le sens où cela pourrait modifier l’intrigue de mes livres. L’histoire m’appartient et c’est à moi de voir comment je l’écris. Mais, parfois quand les lecteurs réagissent à un personnage de manière enthousiaste, ou le contraire, je prends le temps de reconsidérer les choses pour comprendre pourquoi les choses prennent cette tournure que je n’avais pas prévue.

LKH : Je ne change pas non plus l’intrigue suite aux réactions des lecteurs. C'est mon histoire, mon travail, mes livres, ma manière de faire, mon chemin. Les seules personnes qui peuvent changer le cours de l’histoire sont mes personnages. C’est leur vie après tout, donc s’ils insistent pour changer l’intrigue, je le fais et ils gagnent. Je suis d’accord au sujet de la réaction des fans sur mes personnages, ça m’interpelle mais cela change rarement comment le personnage se comporte ou la place qu’il occupe dans l’histoire parce que, bizarrement, si les fans montrent de l'intérêt c'est que je suis déjà aussi intriguée. Le meilleur exemple est Edward qui a débuté comme un assassin froid, presque un méchant, et maintenant, il est l’un des meilleurs amis d’Anita et il est un US Marshal. Pas du tout ce que j’avais prévu pour lui.

Avez-vous un personnage qui vous a totalement surpris avec ses choix ?

LKH : Beaucoup de mes personnages ont du caractère à revendre. Edward a choisi sa route et s’est mis en couple avec une femme ayant déjà deux enfants de son premier mariage. Edward, l’assassin, l’ex-militaire, actuellement officier de police, emmenant une fillette de six ans à ses leçons de ballet, parmi toutes ces mères, cela m’amuse et me donne mal à la tête en même temps.
La vie amoureuse d’Anita est partie dans une direction que je n’avais pas anticipée. Je ne pensais pas qu’Anita serait avec autant d’hommes, qu’elle en aimerait plus d’un et que tout le monde serait d’accord avec ça.

CH : J’ai découvert des choses surprenantes sur mes personnages pendant que je les écrivais. Je sais que leurs esprits est le mien mais parfois, ce n’est pas aussi simple. C’est comme savoir qu’un personnage a un secret (je pense à Bill) et soudainement, le découvrir. J’étais atterrée. Parfois ma partie créative pense plus vite que ma conscience. C’est très sournois.

Comment faites-vous pour que vos mondes paraissent crédibles ?

CH : J’ancre mon monde avec des éléments de la vraie vie. Sookie doit payer ses factures, doit faire sa lessive et a des obligations familiales. Mes vampires achètent leurs vêtements dans les centres commerciaux. Mes loups-garous ont une entreprise de sureté . Un de mes personnages Faës travaillent au service client d’une boutique. Les lecteurs semblent aimer que peu importe le type de créature, il y a un processus de survie de base à respecter ; mais il y a aussi tous ces éléments qui rendent ce processus différent.

LKH : Je fais en sorte que les éléments du quotidien soient aussi réalistes que possible. Je demande aux gens de croire aux vampires, aux loups-garous et aux zombies, je dois donc faire en sorte que les armes, voitures et scènes de crimes soient hyper réalistes. Une fois qu'un lecteur détecte le faux dans un domaine où il est expert, il ne croira plus en mes monstres. J'ai compris que si je suis assez consciencieuse sur les faits réels, même les experts laisseront couler ou feront ce premier pas vers le fantastique, parce que j'ai fait mes preuves en posant des fondations solides et bien réelles avant de sauter dans l'inconnu.


Est-ce que certaines personnes espèrent voir en vous vos personnages ?

LKH : Si j’avais su que certaines personnes confondraient réalité et fiction, j'aurais fait en sorte qu’Anita me ressemble moins mais je ne pensais pas qu’il y aurait un problème. Certains fans veulent savoir quelle arme je porte. Ils pensent que tous les hommes sont basés sur de vraies personnes alors que ce n’est pas le cas. Je ne construits pas mes personnages en partant de personnes réelles. Comme je ne peux pas éclaircir les cheveux d’Anita, je l’ai fait sur moi pour que les fans soient moins confus. Certains m’ont demandé les numéros de téléphone des hommes et se sont mis en colère quand je leur ai dit que je ne pouvais pas leur donner le numéro d’une personne fictive.

CH : Ah, je suis plus ronde et plus âgée que Sookie donc on ne me confond pas avec elle. En fait, les fans qui ne m’ont jamais rencontrée sont généralement étonnés quand ils me voient, comme les acteurs de la série de True Blood. Certains de mes lecteurs qui me rencontrent après avoir vu la série confondent souvent les personnages des livres avec ceux de la série. Dans leurs esprits, Alexander Skarsgard EST Eric et Stephen Moyer EST Bill. Cela conduit parfois à des questions un peu étranges quand je suis en dédicace.

Quelles sont les scènes, dans vos romans, qui sont les plus amusantes à écrire ? Action ? Sexe ? Drame relationnel ?

CH : Elles sont toutes amusantes, tout dépend du résultat ! Mais je dois dire que j’adore écrire une bonne scène de baston. Je trouve que les scènes « relationnelles » sont des challenges. Quand les gens parlent de leurs relations, c’est une conversation compliquée. Les gens ont du mal à exprimer leurs sentiments les plus intimes. De telles conversations ne sont pas linéaires mais vont et viennent à chaque fois qu'un des intervenants énoncent les problèmes qui leur semblent être les plus importants à titre personnel. C’est donc difficile de rendre tout ça cohérent et réaliste et de savoir condenser le tout pour le rendre supportable.

LKH : Cela dépend de mon humeur. Parfois, une bonne scène de baston peut être très thérapeutique, cela peut être un bon exutoire pour les émotions négatives. Plus il y a de personnages dans la scène, plus la chorégraphie du combat devient complexe ; ça devient un défi et ça peut impacter l'aspect émotionnel pour moi Je prends du plaisir à écrire les scènes de sexe mais c’est un challenge différent. Les jours où je suis d’humeur pour ce genre de scène, c’est génial mais les jours où ma vie interfère, c’est un peu comme le « vrai » sexe. C’est dur de se concentrer dessus quand vous êtes interrompus par la partie non-sexy de votre vie. Je crois que c’est vrai pour le processus d’écriture dans son ensemble : trop d’interruptions perturbent l’écriture.
Le plus gros challenge avec les scènes de sexe, c’est que le sexe est une activité très personnelle et individuelle. C'est toujours la même femme qui participe mais différents hommes et je veux que chacun ait son style unique. Les drames relationnels ? Beurk, je répète beurk. Ce type de drame n’est pas amusant dans la vie de tous les jours et la seule chose qui fait que c’est tolérable dans les livres, c’est que c’est de la fiction et que je n’ai pas à l’endurer pour de vrai mais sinon ça craint tout autant. Cela a aussi tendance à compliquer mon travail d’écrivain car rien ne peut mieux bousiller mon histoire que de mauvais choix dans les relations. Cela dit, il y a aussi eu des scènes d’actions tellement différentes de ce que j’avais prévu que j'ai dû jeter un bon tiers d'un tome une fois. Le livre était mieux après mais aussi proche de l'échéance, c’était un coup dur.

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans le fait d’écrire une série aussi longue ?

LKH : Le début du livre est facile car on cherche à être intéressant et à attirer de nouveaux lecteurs ainsi que les anciens. C’est le milieu du livre qui devient compliqué. En tant qu’écrivain, on doit toujours garder en tête que certains sont de nouveaux lecteurs et qu’il faut donc expliquer les personnages, l’univers, tout mais en même temps, on ne veut pas que cela soit ennuyeux pour les autres lecteurs qui vous suivent depuis un moment.
L’autre problème est que chaque livre doit pouvoir être indépendant dans la série mais on veut aussi que les personnages grandissent et évoluent d’un tome à l’autre, tout est une question d’équilibre. Je fais en sorte que chaque commencement soit suffisamment nouveau pour ne pas se demander si on n’a pas déjà lu ça. C’est quelque chose que je rencontre avec d’autres séries que je lis. C’est un challenge de rendre tout cela nouveau mais familier en même temps. J’ai la chance de continuer à découvrir de nouvelles choses à propos d’Anita, Jean-Claude, Edward, Nathaniel et toute la compagnie. Cet univers continue de grandir et de me surprendre.
Mon monde de fiction est comme le vrai, je ne sais jamais ce qui va arriver.

CH : La chose la plus difficile est de se souvenir ce qu’on a fait précédemment et des détails. Ma mémoire n’est pas faite pour ça et j’ai dû engager quelqu’un (la fabuleuse Victoria Koski). Quand vous créez un univers, il y a un million de petites choses qui le rendent crédibles et c’est plus facile que vous ne le croyez d’oublier si quelqu’un est un renard-garou ou un lynx-garou, ou s’il fait toujours jour ou si la nuit est tombée. Je crois qu’il est important d’essayer de corriger toutes les petites erreurs que vous pouvez voir afin que le lecteur reste immergé dans ce monde. Je ne suis pas le genre de lectrices qui remarquent ce genre de détails mais je sais que beaucoup le sont.