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Laurell K. Hamilton / ABFA : la rencontre

Interview réalisée le 26 mars 2010 par Arcantane, Mrs Symphonia, Némésis et Tan.
Traduction : Némésis et Tan

 

 

Laurell K. Hamilton : C'est bien de vous revoir, après hier soir. (Note : en effet, Laurell et Arcantane s'étaient croisées lors du l'inauguration du salon)

Némésis : Vous allez aussi nous voir ce soir, et demain, et dimanche…mais rassurez-vous, nous ne sommes pas folles.

LKH : Ça a été merveilleux de rencontrer des gens hier soir, c’est un vrai plaisir pour moi d’être enfin en France. C'est ma première fois.

Némésis : Nous sommes très heureux aussi de vous avoir parmi nous.

LKH : Beaucoup disent que Paris est une ville magique, je m’étais dit que je verrai et je dois dire que avant de venir ici je ne comprenais pas pourquoi les gens voyageaient. En principe, je ne voyage que pour des recherches, dans un but précis. J'essaye de vraiment profiter de la ville et de la France. Je travaille c'est certain mais j'essaye aussi de ne pas toujours travailler et de simplement apprécier.

Némésis : Je comprends, quand la météo est bonne, marcher le long de la Seine est magique même pour nous les parisiens, nous marchons dans cette ville et oublions tout, on se détend.

LKH : C’est vrai ! Et quand je vais rentrer chez moi, on va me demander si Paris était relaxant et pourquoi et je ne suis pas sûre de pouvoir expliquer ce qu’on ressent ici.

Némésis : Paris est Paris, ça ne s’explique pas.

LKH : L’air y est frais. Le printemps n'a pas la même odeur.

Némésis : Oui, c’est le tout début du printemps ici donc le temps n’est pas encore parfait.

LKH : On a eu de la chance car pour l’instant, nous n'avons pas pris de saucée. A chaque fois qu’il pleut, nous sommes à l’intérieur.

Némésis : Quelle chance !
Nous allons commencer si vous le voulez bien.

LKH : D’accord.

 

Némésis : Pour commencer, j’aimerais parler du vampire le plus sexy au monde : Jean-Claude et qui est français en plus. J’ai lu une interview (parue dans le Riverfront Times) dans laquelle vous disiez que lorsque vous avez commencé à écrire le personnage de Jean-Claude, vous vous êtes souvenue d’un vieux film intitulé « Le cirque des vampires » et j’aimerais savoir quel personnage de ce film était votre Jean-Claude. Car nous l’avons vu mais nous ne sommes pas d’accord. Je vous ai donc amené des photos : est-ce le comte ou Emil ? Vous souvenez-vous ?

 

LKH : (Rires) C’est le comte

Tan : J’avais raison !

LKH : N’oubliez pas que je n’avais que 7 ans la première fois que j’ai vu ce film. Et je n'ai pas réalisé que je m'en étais servi comme base pour Jean-Claude. Je ne l'ai pas revu jusqu'à
ce que j'ai la vingtaine. Et c'est en le revoyant, que j'ai dit : « Oh non ! Les cheveux longs, la chemise blanche » et j’ai pensé : je n’avais que 7 ans et je m'en suis souvenu. C'est resté dans  ma mémoire tout ce temps. Ce n'est qu'en le revoyant que j'ai compris qu'il m'avait laissé une forte impression.  Mais bien-sûr il est très différent de l'idée de base.

Némésis : Je comprends. C’est un souvenir d’enfance.

LKH : Oui, c’est intéressant de voir qu’à un âge aussi jeune, je collectais déjà des idées.

Némésis : Où avez-vous trouvé le nom de Jean-Claude ? Avez-vous lu un livre avec son nom dedans ?

LKH : Il est arrivé avec son nom. Il a choisi son nom. D’habitude, je lis des livres de prénoms pour bébés et je fais des listes jusqu'à trouver le nom qui fonctionne. Pour moi, un personnage doit avoir un nom. C'est très important pour moi. A la base, je voulais que Jean-Claude soit espagnol car il y a 20 ans, je savais parler espagnol, mais pas le français, J'ai donc pensé qu'il parlerait une langue que je pouvais parler et que je pourrais l'écrire. Mais il ne voulait pas être espagnol, il voulait être français et à partir du moment où je l’ai laissé être français, il a choisi son nom et ses habits, il est apparu sur le papier, il était Jean-Claude.
Dès que j’ai arrêté de me battre contre lui et que je l’ai laissé être ce qu’il voulait être, l’écrire est devenu facile. Il marchait sur le papier.

Némésis : Il est très mystérieux. Peut-on espérer un livre sur lui ? Ou ne le veut-il pas ?

LKH : Non, je ne crois pas. Il garde précieusement ses secrets. Je pense qu'il ne veut pas qu'Anita les découvre car il n'est pas sûr de sa réaction. Lorsque vous avez vécu plusieurs siècles, vous avez forcément fait des choses dont vous n'êtes pas fier. Il y a forcément quelque chose. Il ne me parle pas directement, Je n'en sais pas plus qu'Anita. C'est un peu comme s'il avait peur que je lui rapporte. Je ne sais pas. Beaucoup de gens veulent en savoir plus sur son passé et me réclament l’histoire de Jean-Claude, Asher et Julianna. Peut-être la raconterai-je sous la forme d’une nouvelle graphique.  La raison pour laquelle j'aime les comics, les nouvelles graphiques, c'est que je n'ai pas à faire beaucoup de monologues intérieurs, les images parlent d'elles-mêmes... et comme Jean-Claude ne me parle pas directement, je ne sais pas ce qu’il pense, pas tout le temps. Il me surprend toujours.

 

Tan : Pourquoi Anita aime-t-elle autant le café et les pingouins ?

LKH : Elle aime le café car je savais qu'elle ne boirait pas d'alcool mais elle avait besoin d'une boisson corsée. Et c'est le cas du café. Elle aime le café, elle est arrivée avec son café. Pour les pingouins, je voulais qu’elle ait des peluches mais je ne voulais pas d’ours, trop cliché. Alors j’ai regardé autour de moi, dans mon bureau. Un ami m’avait donné un pingouin, juste un et je me suis dit « ça sera des pingouins ! » donc Sigmund et les autres sont là car un ami m’a offert un cadeau. 

 

 
 

Némésis : A propos de l'ardeur, il y a eu de vives réactions sur le forum américain. Est-ce que cela vous a influencée dans votre écriture sur ce sujet ou suivez-vous le chemin que vous aviez décidé de suivre dès le départ ? Ou est-ce que vous changez des choses parce que les gens réagissent bizarrement ?

LKH : je ne laisse pas les réactions des gens influencer mon écriture. Ils ont leurs opinions, j’ai les miennes. Souvent ce qui se passe avec l'ardeur m'a surprise. Ainsi qu'Anita dans un sens. En fait, il y assez d'Anita en moi et de moi en Anita pour que, plus les gens se plaignent, plus ça me donne envie d’en rajouter.

Némésis : Ce n’est pas pareil en France, l’ardeur ne dérange pas tant que ça. Cela m’a surprise de lire des gens qui disaient « Oh mon dieu, c’est mal ! » car ce n’est que du sexe, c’est pour cela que je vous pose cette question car c’est une réaction difficile à comprendre pour les français.

LKH : Certains fans français sont ennuyés. Ils disent que c'est inhabituel d'avoir autant de
sexe dans les livres en France.

Némésis : Nous ne voulons pas de sexe si c’est en dépit de l’intrigue. Peu nous importe le sexe tant que l’intrigue est bonne. C’est juste du sexe.

LKH : Je sais que des gens ont des problèmes avec ces scènes. Je m'assure que les scènes de sexe sont justifiées. Tout comme la violence. Il y a toujours la juste quantité de
sexe et de violence nécessaire à l'histoire. Mais c'est juste une bonne règle d'écriture.

Tan : Est-ce que vous pensez qu'un jour les relations d'Anita avec la police seront à nouveau saines ? Comme avec les SWAT de Las Vegas dans Skin Trade. Maintenant, elle est toujours obligée de se justifier, la police la considère comme une traînée comme c’est le cas avec Dolph. Mais avec l’équipe de SWAT, c’était parfait, nous voulons les revoir !

LKH : Ils étaient géniaux, n’est-ce pas ? J’espère qu’elle et Dolph…en fait, je voudrais la faire interagir avec lui et sa famille parce que la nouvelle fiancée ou la nouvelle femme, je crois qu'ils sont mariés, est une vampire. J’aimerais les revoir mais je n’ai pas encore pu le faire. Dans Bullet, on fait beaucoup de choses que les fans attendaient. On a l'occasion de revoir Monica Vespucci et son fils qu'elle a eu avec Robert, le vampire qui est mort. Mais j'espère que ça s'arrangera entre Anita et Dolph. Zebrowski me manque.

Tan : À nous aussi.

LKH : Mais concernant l’équipe de SWAT, je ne savais pas quand j’ai choisi Las Vegas que l’équipe de SWAT serait le centre d'intérêt. Je n'avais aucune idée que  j'allais à la
rencontre d'une des premières unités d'élite du monde. Je n'avais pas idée d'à quel point
ses hommes sont bons dans leur boulot. Et leur lieutenant, c’est comme une religion pour lui. Il s'exprimait bien. Il pouvait tout m'expliquer. Mon mari était avec moi pour les recherches ainsi que notre ami qui s'occupe de notre sécurité, ancien de la police et ancien marine, Sean. Sean était vraiment très impressionné et on n'impressionne pas facilement un marine. Ils étaient tous si grands, je me sentais si petite. Ils étaient costauds. Ils avaient des armes
incroyables et ces jouets High-tech. Je n’avais pas réalisé à quel point ils étaient forts jusqu'à ce que je les interviewe et qu'ils me parlent et me consacrent du temps. Mais aucun d’eux ne m’a contacté ou envoyé d’email me disant qu’ils avaient lu Skin Trade donc je ne sais pas ce qu’ils pensent de la manière dont je les ai dépeints. Aucun des personnage n'est strictement basé sur eux mais j’ai essayé de rester fidèle à leur manière de travailler. Ce fut très amusant de faire toutes ces recherches, et intimidant aussi, d'essayer de coller le plus possible à la réalité. Ils sont vraiment aussi incroyables en vrai que ce que j'ai essayé de décrire dans le livre. Si j’avais besoin d’aide, je voudrais que ce soit eux qui me sauvent ! 

 
 

Némésis : Je sais que vous êtes Wiccanne et j'aurais souhaité savoir si Anita allait suivre votre chemin spirituel ou si elle veut rester chrétienne ?

LKH : Je pense qu'Anita est plus à l'aise en étant épiscopalienne, chrétienne. Si elle souhaite devenir wiccanne, elle peut mais c'est clairement un choix personnel, un chemin de foi.

Némésis: Quand vous avez commencé à écrire, vous croyiez en Dieu, j'ai pensé que comme vous aviez changé peut-être Anita ferait de même.

LKH : Anita n'est pas une grande suiveuse, de quiconque. C'est mon chemin de foi, c'est bon pour moi. Si l'église en vient à ne plus satisfaire ses attentes spirituelles alors elle regardera ailleurs mais ça n'est pas quelque chose à laquelle je m'attends pour le moment. Et je pense que les questions de foi sont les choix les plus personnels qui soient donc ce qui fonctionne pour moi pourrait ne pas fonctionner pour elle et elle a déjà assez de soucis avec sa vie personnelle. Si elle avait une crise sprituelle en plus de tout ça, ça deviendrait trop dur.

 

Tan : Quelle part de l'évolution d'Anita est votre propre évolution dans la vie ?

LKH : Nous avons grandi ensemble. Au début de la vingtaine, le monde était pour
nous très noir et blanc, bon ou mal. Il y avait peu de gris. Et le monde n'a pas changé, le monde est resté le même. J'ai changé et Anita a changé à travers les expériences que nous avons vécues. Nous sommes toutes deux devenues moins sûres de qui ou quoi était bien ou mal parce qu'on a mis beaucoup de choses dans la zone grise. Ça on l'a vécu ensemble. J'ai construit la progression du personnage d'Anita grâce à de nombreuses interviews que j'ai faites avec de vrais soldats et policiers qui ont tué des gens dans le cadre de leur métier. Ils ont été très généreux et m'ont parlé de leur ressenti et du prix qu'ils ont eu à payer à cause de ça. J'ai un très bon ami de plus de 20 ans que j'ai vu grandir dans le métier. Je l'ai vu jeune recrue, pimpant qui pensait pouvoir sauver le Monde puis j'ai vu le brillant s'effacer, je l'ai vu devenir las et comprendre qu'il ne sauverait pas le Monde. Parfois vous ne pouvez même pas vous sauver vous-même. Si vous rentrez chez vous vivant, alors c'est un bon jour. Ça a beaucoup influencé le personnage d'Anita. Elle se dit : je fais ça depuis 10 ans. Je veux rentrer à la maison le soir plutôt que d'attraper tous les méchants, je préfère rentrer vivante auprès des gens que j'aime et on en arrive à ce moment où il ne s'agit plus de sauver le Monde, mais plutôt d'avoir une vie. Ça nous l'avons en commun. Anita sort avec tellement d'hommes que moi-même j'ai du mal à suivre. Elle a le nombre de morts au compteur le plus élevé pour une roman qui n'est pas de guerre. Moi, je me suis mariée, eu un enfant, je vis en banlieue, j'ai un petit chien et heureusement je ne fais qu'écrire sur la violence, je n'ai pas à y participer. Donc nous avons beaucoup de similarités mais son chemin a été plus sombre.

 

 

Tan : De manière évidente, vous mettez beaucoup de vous-même dans le personnage d'Anita mais est-ce qu'elle vous inspire ? Est-ce qu'elle vous a appris des choses ?

LKH : A vrai dire : oui. Si ça n'était pas pour Anita, je n'aurais pas fait de recherches, je n'aurais jamais parlé avec des policiers et des soldats au sujet de ce qu'on ressent vraiment quand on tue quelqu'un et je n'y aurais jamais réfléchi, ni réfléchi aux choix personnels et à ce quoi on est prêt à sacrifier pour sauver sa vie ou celle de ceux qui nous sont proches. J'ai fait des recherches sur de vrais crimes, de vrais tueurs en série. Je sais maintenant des choses que je n'aurais jamais voulu savoir, ce que de vrais êtres humains sont capable de faire à d'autres vrais êtres humains. Et on ne peut pas oublier ça ni le désapprendre. Tout la violence qui a lieu dans mes livres est basée sur des faits réels. Ça peut arriver dans le monde sans ma magie, je n'invente rien. Ce sont vraiment des choses que les gens se font les uns aux autres. Ça m'a rendu plus cynique, plus sombre mais elle m'a aussi ouvert l'esprit. Si je n'avais pas écrit Anita, serai-je aussi à l'aise avec ma sexualité que je le suis ? Probablement pas. Elle m'a modelée, elle m'a forcée à être plus à l'aise, elle m'a forcée à vraiment me regarder et à choisir ce que je voulais et en prendre possession et aussi prendre possession de moi-même. Donc oui, je serais très différente si je ne l'avais pas écrite.

 

 

Tan : Qu'est ce qui arrive avec les nouveaux titres ? Plus de noms de nightclubs mais des titres très courts et acérés. Skin Trade, Flirt, Bullet.

LKH : Je suis tombée en panne de titres. J'avais une longue liste quand j'ai commencé. Et je l'ai épuisée et ceux qui restait ne faisait pas de bons titres. C'était de bonnes idées mais ça ne marchaient pas en tant que titres. Donc mes éditeurs sont revenus vers moi. D'habitude c'est moi qui trouve les titres et quand ma liste a été vide, ils m'ont dit : « mais il nous faut un titre » et j'ai dit : « mais je n'en ai pas ».
Flirt, c'est venu de ce sur quoi est basé le livre : le flirt et c'est un livre court comme un flirt. C'était logique. Pour Bullet, Pour Bullet, on a tourné en rond jusqu'au dernier moment au
sujet du titre et j'ai simplement dit : « appelons-le Bullet, on tire sur des gens, il ya des balles dedans. Appelons-le Bullet » et ils ont aimé le titre. C'est comme ça que ça c'est passé. Et je ne sais pas mais c'est possible que les titres restent courts à moins qu'ils ne trouvent des titres plus longs mais pour le moment plus rien ne me vient à l'esprit.

 

Némésis : Pour finir, pouvez-vous nous dire quelque chose en francais ? Pour vos fans français ?

LKH : j'ai une phrase. C'est la seule phrase que j'ai appris et que je sais prononcer correctement.

 

  

Quand nous étions en train d'essayer d'apprendre une phrase, quelqu'un nous a demandé : « qu'est ce qui est la chose la plus importante à apprendre en français? » et j'ai dit : « je suis allergique aux crustacés », parce que je suis vraiment allergique.Je m'en suis servi au restaurant et le serveur a dit : "ça c'est vraiment très important !"

 

Nous tenons à remercier Laurell K Hamilton, Jon et Carri pour leur gentilesse et leur bonne humeur ainsi que Bragelonne et Milady pour nous avoir donné l'occasion de réaliser cette interview dans leurs locaux.